L’odeur des livres neufs de la Librairie Kyralina et le dépaysement français qu’ils offrent ont formé un doux cocon pour nos rencontres sonores. Les mots échangés avec Bruno, co-fondateur de la librairie, se sont mêlés à la fumée des cafés. Les discussions se sont interrompues au retentissement de la cloche de la porte d’entrée et aux craquements du parquet sous les pas pourtant légers des clients. Par hasard, Raoul, que nous avions rencontré la veille, est venu chercher un livre. Le monde francophone est bien fait à Bucarest. Au-delà de ces drôles de coïncidences, nous attendions Sophia et Bogdan, son père.
Nous avons fait la rencontre de deux avides lecteurs pour qui cette librairie constitue une deuxième maison. Bogdan nous explique avoir parlé à sa fille en français dès sa naissance par pudeur, presque par instinct. Sophia s’exprime donc naturellement en français, sa langue quasi paternelle. Elle nous a raconté, avec l’énergie qui la caractérise, sa passion pour les livres, pour la narration à la première personne, pour cette librairie aussi âgée qu’elle.
Son père, lui, nous a parlé de sa rencontre avec la langue française, avec cette littérature qui venait de lui être rendue accessible dans les années 90. Nous avons apprécié l’écouter nous raconter son rapport vagabond au livre, aux mots, lui qui peint, qui photographie, qui dessine. Le parquet continuait de grincer avec le passage des nouveaux clients.
L’après-midi, nous avons continué de monter les enregistrements que nous avons faits. Une partie de l’équipe est allée assister à une répétition du nouveau jeu animé par les membres de Climato Sfera « la fresque des nouveaux récits ». Le bruit des lattes de parquet a laissé place aux clics de souris et aux battements des trombes d’eau qui déferlaient sous nos fenêtres.
Benjamin Boucher